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Les deux plus gros sujets : "le lâcher-prise", "être ici et maintenant".

Une société de l'ordre


Nous sommes déjà en 2024 ! Déjà le 3 mars ! Les vacances sont déjà finies et une semaine d'école est déjà passée! Le temps va à 3000 ! Petit, je me souviens quand les plus de quarante ans me répétaient : après 30 ans, le temps défile. La trentaine passée, je mesure le propos. Quand on pense vacances, on pense plaisir, détente, calme, repos. Mais parfois c'est l'opération commando : faire garder ses enfants, inscriptions activités, acheter les billets de transport, réserver le logement, penser à la nourriture, s'adapter aux emplois du temps des grands-parents, les bouchons, le monde. C'est pas rare de voir des gens plus fatigué en revenant de vacances qu'en partant. Les vacances ça fait du bien, on en prend plein les yeux, on mange bien, on se fait plaisir, mais c'est parfois beaucoup d'organisation. Et à peine terminées qu'il faut déjà penser aux suivantes! Et oui, c'est une grosse société, il y a du monde, il y a du trafic, donc il faut être organisé. Il faut prévoir, calculer, préparer pour avoir de la place et obtenir le meilleur prix. Cela est vrai pour les vacances et pour tellement d'autres aspects de la société. Nous avons créé une vraie société de l'ordre. C'est totalement sensé. L'ordre rassure, sécurise. Rétablir l'ordre, c'est remettre les choses sous contrôle. Vous imaginez si tout le monde faisait ce qu'il voulait quand il voulait ? (la phrase préférée des control freak). Ce serait la cacophonie, ça serait le bordel, ça serait le chaos. Et le chaos est effrayant parce qu'il est incontrôlable. Alors on balise, on ceinture, on cadre, on prévoit, on organise.

Comme toute chose, l'organisation a deux pôles : du négatif, du positif. D'un côté, elle rassure, facilite, fluidifie. De l'autre côté, elle crée du stress, la perte de spontanéité, de la peur que ça ne se passe pas comme prévu.

Le défi, comme toujours dans toute chose, est de trouver l'équilibre. Mais il est difficile d'être lucide quand il y a de la peur. La peur est l'un des problèmes les plus profonds de l'humanité, dans tous les domaines, et particulièrement dans ceux de l'instant présent et du lâcher-prise.


Imaginez si tout le monde faisait ça!

Lorsqu'on a peur, on imagine le pire, car cela rassure. C'est rassurant de se dire qu'on a prévu le pire. Cela a du sens. Et en même temps, cela crée des dérives : dire aux enfants de ne pas courir de peur qu'ils tombent, de ne pas cuisiner de peur de se couper, de ne pas sortir de peur de se faire agresser. Dans la vie perso ou pro, dans nos projets, toutes les peurs, qu'on peut imaginer pour ne pas faire ceci ou cela. Tous les risques et assurances qu'on veut baliser avant de faire ceci ou cela. Cette peur s'exprime dans tous les niveaux dans tous les domaines des sociétés humaines. On veut connaitre le sexe de l'enfant, on veut savoir à quelle heure son conjoint rentre, on veut des assurances annulations, on veut des prévisionnels sur 3ans (alors qu'on sait pertinemment que ça ne passe jamais comme prévu), tout ça pour toujours mieux prévoir, mieux s'organiser, mieux gérer. L'organisation nous apport tellement, et en même temps elle nous fait tellement de mal. On en oublie l'essentiel: le présent, soi, son corps, sa santé. Combien de personne disent qu'ils n'ont pas le temps aujourd'hui parce qu'ils passent leur temps à organiser demain?

Pour être ici et maintenant, il faut être dans la spontanéité, dans le ressenti, dans l'accueil, dans l'absence de contrôle, dans le lâcher-prise. Pour être dans le lâcher-prise, il faut être ici et maintenant, arrêter de s'inquiéter du passé et de l'avenir.

Vous remarquerez que finalement les deux choses les plus importantes sont liées comme les deux faces d'une même pièce de monnaie.

C'est le principe de la philosophie non dualiste. Les philosophies dualistes comme celle de Descartes opposent le corps et le mental, les émotions et la raison, le chaud et le froid, le haut et le bas, l'homme et la femme et surtout l'inconnu et la sécurité. Dans une philosophie dualiste, si je ne sais pas ce qu'il se passe, si je ne contrôle pas ce qu'il se passe, je suis en insécurité. Alors que les philosophies non dualistes nous expliquent que toutes choses ont deux pôles, que le chaud et le froid ont la même nature mais seulement une différence de degrés, que les pôles opposés se touchent, que toutes les vérités ne sont que des demi-vérités, que tous les paradoxes peuvent être conciliés.

La folie des sociétés occidentales, c'est de vouloir contrôler la nature à travers la technologie, de prévoir et anticiper les risques à travers des machines et des algorithmes. Alors que la véritable nature de la nature, c'est qu'elle est incontrôlable. J'adore comment cette idée présentée dans Matrix Reloaded. Ce que l'on pense être une société d'ordre, de science et d'organisation est en fait une société de peur, la peur de ne pas avoir assez. Prenez un exemple simple, le bio. Combien de fois ai-je entendu "on ne pourra pas nourrir tout le monde avec le bio", "on ne pourra pas", "imaginez si", "c'est impossible". Lorsque quelqu'un a peur de quelque chose, la première stratégie de sécurisation vise à expliquer "autrement n'est pas possible". Donc il faut garder le contrôle, il faut se sécuriser. De préférence avec des machines et des algorithmes parce qu'elles font ce qu'on attend, elles ne tombent pas malade, pas de congés maternité, pas de prud'homme. Celui qui n'a pas peur dit "ok, essayons". Expérimentons, on verra si ça marche ou pas. On verra si c'est bien ou pas. Les calculs et les algorithmes ne remplacent pas l'expérience. C'est pourquoi les gens sont si passionnés par le sport : l'incertitude. Aucun algorithme ne peut prévoir qui va gagner la Coupe du Monde de football. C'est ça qui est excitent! Quand on ne sait pas!

La seule véritable façon de savoir qui va gagner la Coupe, et bien c'est de la jouer. Autrement dit, la seule véritable façon de savoir. C'est l'expérience. Dans mon premier livre (oui, je me fais un peu de pub), je dis qu'il y a une différence entre savoir que le feu brûle et mettre sa main dans le feu. L'expérience façonne la perception.

Je viens de trouver un livre très intéressant qui parle de ça. Un livre qui parle du tantrisme. Le tantrisme à l'hindouisme et au bouddhisme ce que le soufisme est à l'islam, la gnose au christianisme, la kabbale au judaïsme. Je caricature un peu, mais dans l'idée le tantrisme regroupe un ensemble de courants de pensée philosophique ésotérique qui remonte à plusieurs millénaires. Et en fait, depuis plusieurs millénaires, dans des sociétés ou la philosophie étaient au cœur des questions humaines, la vie, le sens de la vie, la mort, la vertu, la morale, le bien, le mal etc. On prônait la question de l'expérience.


Extrait du livre: Le grand livre du Tantra de Franca Sachi édition Kalpana


Concepts essentiels du tantrisme
Dans l'hindouisme, plusieurs sentiers d'ascèse spirituelle existent, parmi lesquels les trois traditionnels sont considérés comme fondamentaux pour atteindre la libération finale :
1. Par l'action (Karma) : englobant les actes, les paroles, les pensées et les rites.
2. Par l'amour (Bhakti) : incluant la dévotion et la fusion avec le divin.
3. Par la connaissance (Jñana) : caractérisée par la capacité de discriminer entre le fini et l'infini, le permanent et l'éphémère, conduisant à l'Absolu, considéré comme la vérité la plus haute et la plus vraie.
Le tantrisme intègre ces trois voies, y ajoutant un nouvel élément, celui de l'expérience. Une personne tantrique ne se contente pas de la connaissance intellectuelle, mais cherche à ressentir et vivre chaque aspect dans son propre corps, ses sens et ses émotions. Cette forme de connaissance, qualifiée d'« expérimentale », est appelée vijñana, en opposition à jñana.
Une personne tantrique dirait : « Je sens, donc je suis. »
Tout dans la vie quotidienne, que ce soient les personnes, les objets, les animaux, son propre moi, les pensées, les émotions, les différents états de la conscience, peut être un sujet d'expérience et peut générer un changement dans l'être.
La nature
Le principe de base de la pratique tantrique est que l'homme doit construire son ascèse dans la Nature et non dans son refus ou sa répression. 
Cette conception, en réalité, n'est pas nouvelle: elle est vieille comme le monde, le monde païen, et l'on en trouve des traces en Grèce, en Égypte, au Mexique, chez les Romains (Junon), à Babylone, en Afrique (Salammbô), chez les Mayas et partout où l'on peut retrouver des traces du culte de la grande mère Nature. Dans le tantrisme, toutefois, la divinité n'est pas seulement féminine, mais elle est constituée de l'union de deux polarités opposées, mâle et femelle (Siva et Sakti), réintégrées au sein d'une unité parfaite. 
L'être humain, à l'image de l'univers,
Cette affirmation n'est pas propre au tantrisme, mais elle est également présente dans le Rig-Veda, les Brahmana et dans beaucoup d'Upanishad. Dans les tantras, c'est le bipolarisme Siva/Sakti qui constitue l'essence du monde et qui donne naissance à la manifestation cos- mique, exactement comme cela se pro- duit au niveau microcosmique : homme et femme, unis dans l'acte sexuel, engendrent - ou peuvent engendrer - un autre être. 
L'analogie microcosme/macrocosme et corps/univers doit être gardée à l'esprit dans toutes les pratiques tantriques. Pour le tantrisme, le corps, c'est-à- dire l'entité psychophysique appelée homme, devient le siège privilégié de la connaissance : en étudiant, en expérimentant l'homme, le microcosme, cet univers en miniature, on apprendra à connaître l'univers entier, le macrocosme. 
Le rôle du corps 
Le tantrisme étend donc les possibilités de travail, d'étude, d'expérimentation, d'expression du corps à tous les niveaux: physique, psychique, énergétique, sentimental, de la pensée et au-delà. 
C'est là un grand enseignement que nous donne le Tantra-Yoga: la découverte du rôle du corps dans la réalisation spirituelle. 
Il s'agit ici non d'une réalisation spirituelle qui transcende le corps et la matière, mais de la prise de conscience d'une réalité spirituelle liée au corps, réalisée grâce au corps et soutenue par le corps. Les conséquences sur la pratique et sur ses résultats sont très importantes : une action quelconque accomplie sur l'individu (physique, psychique, par gestes, sons, etc.) peut produire un effet non seulement sur l'individu lui-même, mais aussi sur le cosmos entier, et vice versa. Il faut donc se transformer soi-même pour transformer le monde. 

La peur vs expérience

J'adore l'idée du tantrisme qui met à valeur l'expérience. L'idée que pour comprendre que le feu brûle, il faut mettre la main dans le feu. Mais en fait, en passant la main sur une bougie allumée, j'apprends deux choses : la première que ça brûle, ok. La deuxième c’est que si je passe la main assez vite, je sortirais indemne. Il y a toujours un moyen de passer un obstacle. Mais il faut l'expérience de s'y confronter pour le comprendre. Si je ne passe jamais la main, je ne sais pas ce qui est possible ou pas. Je sais juste la théorie. La théorie de la peur. Il y a tellement qui vivent et s'enferment dans la peur. La peur de ne pas avoir assez. La peur de ne pas pouvoir payer les factures. La peur de ne pas remplir son frigo. La peur du chaos. La peur de la désorganisation. Parce qu'en fait, on n'a pas assez expérimenté toutes ces choses. On n'a pas expérimenté le chaos, donc on en a peur. Pareil pour la faim. On se dit que c'est impossible de ne pas manger pendant 3 ou 4 jours. Et si vous l'expérimentez, on se rend compte que c'est très largement possible. Alors ça nous fait moins peur, du coup ça change le rapport à la faim. Parfois, quand je raconte que je fais de la boxe, certaines personnes sont terrorisées par la peur du coup, la peur du KO. Mais si vous avez déjà pris un KO, alors vous avez déjà appris deux choses. La première que ça fait mal et la deuxième que vous pouvez vous relever. Alors vous en avez beaucoup moins peur.

J'aime bien poser cette question aux parents qui se mettent dans des situations de contrôle et de stress incroyable pour leurs enfants. Au point de se rendre malades parfois.

Est-ce que le rôle des parents c'est d'empêcher que les enfants tombent ? Ou de les accompagner quand ils ont chuté ?

Parce que tôt ou tard, ils feront l'expérience de la vie. Et personne n'apprend à marcher sans tomber. Personne n'apprend à faire un bon gâteau sans mettre parfois trop de sucre et d'autres fois pas assez. C'est l'expérience des "ratés" qui permettent de trouver le bon équilibre.


Je pense qu'aujourd'hui, il est difficile de contester que l'une des premières cause de nombreuses pathologies est le stress. Il y a de nombreuses formes de stress : peur, angoisse, anxiété, colère, rancœur, agression. Mais ils causent presque toujours le même résultat : des problèmes. Problèmes de santé lorsque le stress mental impacte notre physique. Problèmes relationnels lorsque nos peurs et notre volonté de contrôle impactent nos relations. Problèmes de performances lorsque nos peurs nous empêchent de réaliser nos objectifs. Problèmes pour profiter de l'instant présent quand on est toujours inquiet du passé ou du futur. Aussi gros que puisse être le problème du stress, car il peut aller jusqu'à générer la mort dans de nombreux cas, ça reste un phénomène essentiellement mental. Le stress est un phénomène hallucinogène puissant car il crée mentalement quelque chose qui n'existe pas à partir de quelque chose qui existe. Par exemple, vous escaladez une falaise, vous êtes attaché par 3 mousquetons qui supportent 3 tonnes, 2 cordes qui supportent 10 tonnes. C'est strictement impossible de tomber. Et pourtant, vous avez peur. La création mentale de la peur dépasse le réel. Et si vous dépassez cette peur, vous pouvez faire le funambule sur une corde entre deux falaises. C'est fou, mais c'est aussi simple que ça, pour toutes les peurs des araignées, des pieds, du vide, des avions, des ascenseurs, de la foule et bien sur de l'inconnu. Sur le principe, entendons-nous. Parce que dépasser ses peurs, c'est le travail de la vie. Combien de personnes a t-on vues se mettre dans des états pas possibles pour l'organisation d'un mariage, d'un voyage en avion, ou juste pour déposer les enfants à l'école? On se fait des montagnes de et si. Et si ceci, et si cela. Donc on cherche à contrôler l'incontrôlable. Regardez notre société, dirigée par des gens hyper brillants qui ont fait les meilleures études. Et pourtant, ça part en live dans tous les côtés. On a une ribambelle d'experts dans tous les domaines : agricole, économique, industriel, informatique, juridique, santé, énergie, transport. Pourtant il n'y a pas un secteur qui ne soit pas en crise en France. Vous serrez à gauche, ça explose à droite. Vous allez à droite, ça fuit à gauche.



C'est une machine infernale parce que c'est une société qui est contre nature. Quand vous essayez de contrôler ce qui est incontrôlable, ça se passe mal. Ce qui est vrai en politique et vrai dans votre couple, avec vos enfants, avec votre travail, avec votre santé. La vie prendra le chemin qu'elle doit prendre. Comme l'eau. Elle finit toujours par retrouver l'océan. Vous pouvez faire le plus grand barrage du monde, tôt ou tard, la nature gagne toujours.


"Be like water, my friend."

Dans des époques désormais révolues, les sociétés humaines avaient une véritable appétence pour la philosophie. La preuve, s'il en faut, puisque la France s'auto-proclame avec fierté Pays des Lumières. Cette appétence pour la philosophie a été remplacée par l'attrait pour le progrès technologique et le commerce. Aujourd'hui, on parle beaucoup plus des milliardaires que des philosophes. Pourtant, l'argent n'est pas la solution à l'un des plus gros problèmes du monde : le stress, la peur. Si les riches étaient moins peureux et moins stressés, ça se saurait. Si vous avez chopé un cancer à cause du stress, l'argent ne va pas vous guérir de votre stress. Il pourra payer des bons médecins et des bonnes chimios jusqu'au prochain cancer, car les chimios ne règlent pas les problèmes de stress. Donc si le stress est toujours là, il continuera de créer les mêmes problèmes. Et si le stress est un problème mental (hors cas d'agression), alors c'est dans le mental qu'il faut chercher la solution. La solution à presque tous nos problèmes est mentale. Et on pourrait tout aussi bien dire que la solution à presque tous nos problèmes est la philosophie. Bien sûr, les petits coquins qui veulent réduire le propos viendront avec l'argumentaire classique : "Lui, c'est un complotiste anti-médicament. Il veut guérir les cancers avec des livres de Spinoza". Bien évidemment que non, nous ne sommes pas anti-médicament, ni anti-médecine. C'est fatiguant de devoir toujours s'en justifier. Mais on comprend que c'est rassurant de mettre les gens dans la case complotiste ou anarchiste. Ça permet de discréditer le propos et d'éviter l'argumentaire. Ce n'est pas parce que vous dites que les prisons ne règlent pas les problèmes de criminalité que vous êtes contre la prison et que vous êtes dans l'apologie de la délinquance. Vous constatez juste que mettre un voleur en prison va effectivement ralentir sa nuisance, mais n'empêchera pas un autre de se mettre à voler, autrement il n'y aurait plus de voleurs. De la même manière que tuer des cellules cancéreuses n'empêche pas d'autres de se manifester. Aucune équation ne se résout en supprimant le résultat. 1+1 fait toujours 2. Donc si vous voulez changer de résultat, il faut changer l'équation. La philosophie nous permet de changer l'équation. Elle nous apprend à appréhender la vie. C'est en philosophie qu'on s'offre une perspective sur la gravité de rater un train, de perdre 3000 euros, d'arriver en retard à l'école, ou que la pièce montée ne soit pas parfaite au mariage. L'argent et le progrès technologique n'apprennent pas à être dans l'instant présent et à lâcher prise. Au contraire, parfois, on pense que plus on a d'argent, plus on paie cher, plus on va pouvoir contrôler. Mais plus on contrôle, plus ça explose. Il ne faut pas contrôler, il faut être comme l'eau. C'est en philosophie qu'on apprend à être comme l'eau.



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